Conciliation études-travail

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La CET en période de pandémie :
Des changements dans l’environnement scolaire et dans celui de l’emploi entraînent une mutation des enjeux liés à la conciliation études-travail

Publié le 4 juin 2020 | Mis à jour le 2 septembre: ajout d’une fiche pour les employeurs


Cet article fait partie de la série « Les déterminants sous l’angle de la pandémie », qui propose une relecture de certains déterminants de la persévérance scolaire à la lumière de la crise actuelle et des mesures qu’elle a induit.


Nouveau !
Une fiche aide-mémoire pour les employeurs d’élèves à l’occasion de cette rentrée 2020 bien particulière.


Le déterminantLes impacts de la crise sanitaire | Les préoccupations | Pistes d’action | Ressources | Références

QUE POUVONS-NOUS RETENIR SUR La conciliation études-travail ?
La réalité des ÉLÈVES ET DES étudiants sur le marché du travail

Différentes enquêtes montrent qu’une proportion importante de jeunes travaillent en même temps qu’ils étudient.

  • Au Québec, en 2018, 41 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans occupaient un emploi rémunéré durant l’année scolaire (55%, chez les 20 à 24 ans) (Statistique Canada).[1]
  • À Montréal, en 2016, c’était 39 % des élèves de 4e secondaire et 46 % de ceux de 5e secondaire qui travaillaient (EQSJS).[2]
  • Pour les élèves en formation générale des adultes (FGA) ou en formation professionnelle (FP), le taux d’emploi est beaucoup plus élevé (67 % et 57 %), selon une récente étude menée pour le compte de la CCMM, de RRM et du RCM.[3]
  • Les secteurs d’emploi dans lesquels se retrouvent les jeunes montréalais sont principalement le commerce de détail et de gros (35 %) ainsi que l‘hébergement et la restauration (21 %).[4]

Quelques constats supplémentaires peuvent aussi être soulevés :

  • Les jeunes québécois travaillent plus que les jeunes canadiens (37 % vs 33 %). [5]
  • Les jeunes arrivent de plus en plus tôt sur le marché du travail : au Québec, en 30 ans, la proportion des 15 à 19 ans qui concilient un emploi et les études a presque doublé.[6]
  • La moitié des jeunes de 15 à 24 ans en emploi travaille 15 heures ou plus par semaine (49 %). Près de 10 % y consacrent au-delà de 25 heures par semaine.[7]
L’ÉQUILIBRE ENTRE LES ÉTUDES ET LE TRAVAIL RÉMUNÉRÉ

Dans la recherche des meilleures pratiques de conciliation études-travail, un certain consensus semble s’établir autour d’un seuil maximal de 15 heures par semaine.

Bien que la conciliation études-travail soit généralement plus difficile avec l’augmentation des heures de travail rémunérées, les résultats de ces recherches démontrent surtout que :

« (…) plus que le total d’heures travaillées, c’est l’effet du cumul des activités (travail, loisirs, activités sociales, etc.) amenant le jeune à diminuer le temps consacré à ses études qui influe négativement sur ses résultats et son engagement scolaire. »[8]

Les EFFETS connus de la Conciliation études-travail

Certaines études[9] relèvent que l’occupation d’un travail à temps partiel chez les jeunes aurait des effets bénéfiques, dont :

  • Une familiarisation avec le marché du travail et ses exigences
  • Une meilleure connaissance de soi et de ses aptitudes
  • Une acquisition de compétences et de connaissances
  • Un développement du sens des responsabilités et de l’autonomie
  • Une recherche de valorisation et de reconnaissance

En contrepartie, d’autres recherches[10] soulignent qu’occuper un emploi durant ses études peut avoir des conséquences négatives sur la réussite éducative, la santé et la sécurité au travail, dont :

  • Une hausse du stress et de la fatigue
  • Une baisse du rendement scolaire
  • Une hausse des mauvaises habitudes alimentaires ou de consommation (cigarette, alcool, drogues).

Dans une étude menée par ÉCOBES sur la conciliation études-travail des jeunes québécois, il a été démontré « qu’une conciliation études-travail plus difficile va de pair avec des risques accrus concernant les études, la santé et la sécurité au travail ».[11]

Ainsi, les jeunes qui disent vivre une conciliation difficile sont, comparativement au groupe des jeunes pour qui la conciliation semble plus aisée :

  • 3 fois plus nombreux à avoir souvent pensé abandonner leurs études (21 % contre 8 %);
  • Plus souvent désengagés sur le plan scolaire (21 % contre 14 %).
  • Rapportent plus souvent un niveau élevé de détresse psychologique (55 % contre 18 %) et un niveau élevé de fatigue (57 % contre 18 %[12] .

[En savoir plus sur la conciliation études-travail]

QUE POUVONS-NOUS PENSER DES IMPACTS POSSIBLES DE la crise sanitaire sur LA Conciliation études-travail ?

Le contexte de la pandémie a engendré des changements à la fois dans l’environnement scolaire et dans celui de l’emploi, entraînant une mutation des enjeux liés à la conciliation études-travail :

  • La fermeture des écoles et, par conséquent, l’absence de présence physique en classe ainsi que la réorganisation de l’encadrement académique et des obligations scolaires, laissant beaucoup d’autonomie aux élèves du secondaire dans la gestion de leur temps.
  • Le développement d’un besoin accru de main-d’œuvre dans certains secteurs d’emploi nécessitant peu d’expérience et de qualification, comme par exemple pour désinfecter les commerces.
  • Le retrait de certains travailleurs plus vulnérables en termes de santé.
  • La réduction de l’attrait du marché du travail pour les étudiants des niveaux collégial et universitaire admissibles à la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants (PCUE).
  • Une augmentation des contraintes associées au travail :
    • Un environnement de travail plus exigeant et stressant compte tenu des mesures sanitaires à appliquer, ainsi que des heures accrues.
    • Un changement dans la disponibilité des parents à accompagner leurs enfants dans la conciliation études-travail, considérant les défis auxquels ils sont eux-mêmes confrontés (conciliation travail-famille, chômage, insécurité alimentaire, etc.).
POURQUOI LA SITUATION AUTOUR DE LA conciliation études-travail EST-ELLE PRÉOCCUPANTE ?

Le contexte actuel pourrait entraîner une désorganisation et un changement dans les priorités des jeunes, ceux-ci devant conjuguer avec de nouvelles dynamiques dans lesquelles ils atterrissent abruptement et qui demandent une adaptation rapide et beaucoup d’autonomie. Ce sont les conséquences possibles de ce déséquilibre qui préoccupent les partenaires œuvrant en réussite éducative.

Comment se déroule la conciliation études-travail ?

La situation actuelle ouvre pour certains jeunes la possibilité de consacrer un nombre élevé d’heures au travail rémunéré, alors qu’en temps normal ils seraient en classe. En effet, les partenaires terrain font état de nombreux jeunes qui travaillent actuellement à temps plein.

Présentement, est-il possible de penser que le travail rémunéré entre en compétition avec le temps consacré aux études ? Est-ce que l’enseignement à distance augmente les risques de démotivation scolaire et de décrochage liés à l’emploi ? Ou encore, est-ce que les contraintes et les conditions de travail difficiles des postes actuellement disponibles peuvent constituer une source de motivation à la poursuite des études permettant d’accéder à de meilleurs emplois ?

À cet égard, un sondage mené par Academos en mai 2020 est éloquent quant à la difficulté des élèves à demeurer motivés avec l’école à la maison : 80 % des jeunes se disent moins motivés à l’école depuis le début de la crise.[13]

De plus, les études et le travail rémunéré ne sont pas incompatibles, à condition que les contraintes liées au travail (horaire, organisation du travail, exigences physiques ou mentales) soient limitées. De manière générale, plus le nombre et l’importance de ces contraintes augmentent, plus les répercussions négatives peuvent être grandes sur les études, la santé et le bien-être des jeunes.

« Un jeune qui travaille 6 heures par semaine, dans des conditions stressantes ou qui comportent des risques physiques élevés, vivra plus d’impacts négatifs qu’un jeune qui travaille 15 heures par semaine dans de bonnes conditions. »[14]

Peut-on penser que les contraintes liées à la COVID-19 en milieu de travail (contraintes physiques, environnement stressant, normes sanitaires élevées, etc.) ont des répercussions négatives sur les études, la santé et le bien-être des jeunes ?

Ou, pour certains adolescents en confinement, le fait de sentir utile et de demeurer actif en occupant un emploi dans les services essentiels peut-il contribuer, dans une certaine mesure, à la protection de leur santé mentale ?

Quels seront les impacts chez les Élèves les plus vulnérables ?

Pour les élèves plus vulnérables, plusieurs préoccupations supplémentaires peuvent être soulevées dont :

  • Les élèves qui vivaient un désengagement scolaire avant la COVID-19 et qui se retrouvent désormais à temps plein sur le marché du travail trouveront-ils la motivation pour retourner à l’école à l’automne ?
  • Quels seront les impacts pour les élèves en situation d’échec scolaire de l’arrêt temporaire de leurs études dû à la crise ?
  • En 2014-2015, 27 % des élèves de 4e et de 5e secondaires de Montréal qui travaillaient ont évoqué occuper un emploi rémunéré durant l’année scolaire pour apporter un soutien financier à la famille[15]. Considérant qu’actuellement la situation économique est plus difficile pour plusieurs (perte d’emploi pour certains, recours à des banques alimentaires pour d’autres), est-il possible de penser que certains élèves devront travailler davantage pour pallier les pertes de revenu de la famille ?
Pistes d’action
L’employeur et les parents : des acteurs de premier plan

La conciliation études-travail interpelle l’ensemble des acteurs qui gravitent autour du jeune : les employeurs, les intervenants du milieu scolaire et les parents. Il apparaît important de les sensibiliser aux risques du cumul études-travail, de les interpeller à appuyer une conciliation équilibrée et à demeurer attentifs aux conditions pouvant entrainer une démotivation scolaire.

Employeurs
  • Encourager la persévérance scolaire et la réussite éducative.
  • Offrir un horaire souple et adapté :
    • moins de 20 heures/semaine durant l’année scolaire, exclure les quarts de travail de nuit ou durant les heures normales d’école, etc.
    • selon le fonctionnement et l’horaire de l’école à distance
    • arrimé au calendrier scolaire en réduisant le nombre d’heures à l’automne lors du retour en classe.
  • Identifier les contraintes de travail inhérentes aux emplois proposés aux jeunes et tenter de les réduire.
  • Valoriser les études en encourageant le jeune et en s’informant de son cheminement scolaire.
  • Demeurer informé des bonnes pratiques en ce qui a trait à l’embauche des jeunes.
Parents et intervenants
  • S’informer du travail qu’occupe l’élève et du nombre d’heures qui y sont consacrées.
  • Observer des signes et changements dans sa vie personnelle et sa santé.
  • Sensibiliser l’élève à l’importance de se fixer des limites.
  • Soutenir l’élève dans ses choix de vie équilibrés.
  • Convenir dès maintenant des modalités du retour en classe.
  • Offrir aux jeunes des activités de formation et de sensibilisation (gestion des
  • priorités, gestion du temps, gestion du stress, gestion du budget, etc.).
Pour aller plus loin

 


Merci à M. Michaël Gaudreault, enseignant-chercheur à ÉCOBES – Recherche et transfert du Cégep de Jonquière, pour sa contribution à l’article sur le déterminant « Conciliation études-travail ».


 

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Références

[1]  Données de Statistiques Canada cité par Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Réseau réussite Montréal, en partenariat avec le Regroupement des CÉGEPS de Montréal,  2019, « Persévérance scolaire et conciliation études-travail : une piste de solution à la rareté de la main-d’œuvre. Fait saillants de l’étude ». Disponible en ligne : < https://www.ccmm.ca/fr/publications/etude/perseverance-scolaire-et-conciliation-etudes-travail—une-piste-de-solution-a-la-penurie-de-main-d-oeuvre/>.

[2] EQSJS, 2016-2017. Disponible en ligne :<https://www.eqsjs.stat.gouv.qc.ca/>.

[3]   Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Réseau réussite Montréal, en partenariat avec le Regroupement des CÉGEPS de Montréal,  2019, « Persévérance scolaire et conciliation études-travail : une piste de solution à la rareté de la main-d’œuvre. Fait saillants de l’étude ». Disponible en ligne : <https://www.ccmm.ca/fr/publications/etude/perseverance-scolaire-et-conciliation-etudes-travail—une-piste-de-solution-a-la-penurie-de-main-d-oeuvre/>.

[4] Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Réseau réussite Montréal, en partenariat avec le Regroupement des CÉGEPS de Montréal,  2019, « Persévérance scolaire et conciliation études-travail : une piste de solution à la rareté de la main-d’œuvre. Fait saillants de l’étude ». Disponible en ligne : < https://www.ccmm.ca/fr/publications/etude/perseverance-scolaire-et-conciliation-etudes-travail—une-piste-de-solution-a-la-penurie-de-main-d-oeuvre/>.

[5] Marc-André Gauthier et Marie-Pier Labrie, 2013, « Conciliation études-travail : les étudiants Québécois s’investissent davantage dans un emploi rémunéré pendant leurs études que l’ensemble de leurs homologues canadiens », Données sociodémographiques en bref, Volume 17, numéro 2, Février 2013. Disponible en ligne : < http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/bulletins/sociodemo-vol17-no2.pdf. >. 

[6] Mikaël Berthelot et Issouf Traoré, 2016, Le travail rémunéré pendant les études et la santé mentale des jeunes: le nombre d’heures travaillées compte »,  Zoom Santé, numéro 59, juin. Disponible en ligne : <http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/sante/bulletins/zoom-sante-201606.pdf>

[7] Marc-André Gauthier et Marie-Pier Labrie, 2013, « Conciliation études-travail : les étudiants Québécois s’investissent davantage dans un emploi rémunéré pendant leurs études que l’ensemble de leurs homologues canadiens », Données sociodémographiques en bref, Volume 17, numéro 2, Février 2013. Disponible en ligne : < http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/bulletins/sociodemo-vol17-no2.pdf. >.

[8] L. Laberge et al. , 2011, Santé et sécurité des étudiants qui occupent un emploi durant l’année scolaire Les effets du cumul d’activités et de contraintes de travail, Rapport R-705, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail. Disponible en ligne : < https://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/R-705.pdf?v=2020-06-01>.

[9] Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, « Bulletin Objectif et Persévérance et réussite », 2010,  Volume 2, Numéro 2, Hiver 2010. Disponible en ligne :<http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/recherche_evaluation/BulletinObjectifPersReussite_Vol2N2Hiver2010.pdf>.

Réunir Réussir, « Fiches pratiques », 2013. Disponible en ligne : <http://reunirreussir.org/pdf/doc_fiches_pratiques_determinants.pdf>.

Gaudreault, M. M., Tardif, S. et L. Laberge. 2019. Renforcer le soutien aux étudiants et aux entreprises en matière de conciliation études-travail-famille. Jonquière, ÉCOBES – Recherche et transfert. Disponible en ligne : < https://ecobes.cegepjonquiere.ca/media/tinymce/Rapport_SoutienCETF_Avril2019.pdf>.

[10] L. Laberge et al. , 2011, Santé et sécurité des étudiants qui occupent un emploi durant l’année scolaire Les effets du cumul d’activités et de contraintes de travail, Rapport R-705, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail. Disponible en ligne : < https://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/R-705.pdf?v=2020-06-01>.

[11] Gaudreault, M. M., Tardif, S. et L. Laberge. 2019. Renforcer le soutien aux étudiants et aux entreprises en matière de conciliation études-travail-famille. Jonquière, ÉCOBES – Recherche et transfert. Disponible en ligne : < https://ecobes.cegepjonquiere.ca/media/tinymce/Rapport_SoutienCETF_Avril2019.pdf>.

[12] Gaudreault, M. M., Tardif, S., Laberge, L., Renforcer le soutien aux étudiants et aux entreprises en matière de conciliation études-travail-famille, ECOBES, Avril 2019, p. 5.

[13] Montambeault, C., 80 % des jeunes québécois démotivés à l’école depuis le début de la pandémie de COVID-19,  https://academos.qc.ca/blogue-corporatif/80-jeunes-quebecois-demotives-ecole-pandemie-covid-19/ , mai 2020.

[14] Instance régionales de concertation sur la persévérance scolaire et la réussite éducative du Québec, « Savoir concilier études et travail »,  http://www.reseaureussitemontreal.ca/wp-content/uploads/2017/08/CET-Savoir-concilier-IRC.pdf, p. 3

[15] Gaudreault, M., Laberge, L., Arbour, N. Et M. M. Gaudreault (2015). La conciliation études-travail chez les élèves francophones montréalais de 4e et de 5e années du secondaire. Jonquière, ÉCOBES – Recherche et transfert,